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Enseignement francophone - Changer l’école : revenir à l’essentiel

 « Mettez un bon enseignant dans un mauvais système, et le système gagne chaque fois. »



Comme en attestent les dernières évaluations internationales (dont PISA 2012, déjà largement commentée dans la presse), notre enseignement francophone reste très inégalitaire et son niveau moyen est relativement faible. Le taux de redoublement est parmi les plus élevés des pays européens, malgré toutes les réformes et les décrets adoptés ces dernières années. En Communauté française, 47% des élèves de 15 ans ont redoublé au moins une fois (contre 18% en Allemagne et en Italie, et 28% en France et aux Pays-Bas).



Ces réformes restées sans effet tangible mettent en cause notre capacité à faire progresser significativement notre système scolaire. Pourtant, d’autres pays nous montrent qu’il est possible d’améliorer assez rapidement l’école, quel que soit son niveau de départ. Par exemple, la Pologne a réussi entre 2000 et 2009 à augmenter les résultats en lecture de ses élèves de 15 ans au test PISA de l’équivalent d’un tiers d’une année scolaire (à titre indicatif, les élèves francophones ont un retard en lecture équivalent à une année scolaire sur les élèves flamands), tout en réduisant le nombre d’élèves de niveau faible (passant de 23% en 2000 à 15% en 2009) et en réduisant aussi de moitié les écarts entre écoles. Les élèves polonais ont progressé en lecture notamment grâce à une campagne de sensibilisation mise en place depuis plus de dix ans, qui encourage les parents à lire vingt minutes tous les jours à leurs enfants. Les communes et les médias ont été étroitement impliqués dans cette campagne. Cette expérience démontre, d’une part, combien les résultats en classe sont étroitement dépendants de ce qui se passe à la maison, et d’autre part, que des idées simples peuvent susciter une adhésion large et produire des effets importants.



La priorité politique doit aller aux pratiques pédagogiques et à une amélioration constante du travail en classe. En Communauté française, on observe le contraire puisque la majorité (70%) des réformes concerne des politiques de structures (réseaux et filières) ou de moyens (budget et personnel). Pire, les directions d’école en Communauté française ne consacrent que 15% de leur temps aux pratiques pédagogiques contre 40% dans les systèmes scolaires les plus performants.



Plus généralement, le fonctionnement même du système d’enseignement peut sembler rédhibitoire aux enseignants (débutants et expérimentés). Selon Christopher Spence, un directeur d’école en Ontario (Canada) : « Mettez un bon enseignant dans un mauvais système, et le système gagne chaque fois. » En Communauté française, 35% des enseignants quittent le métier dans les cinq premières années, contre 22% en Flandre. Le système éducatif doit soutenir davantage ses enseignants. Suffisamment de stabilité, de soutien et de perspective en début de carrière sont des priorités. A cet effet, il est important de définir une bonne répartition des tâches entre les pouvoirs publics et les écoles. Il faut un certain degré d’autonomie et de responsabilisation pour permettre aux écoles d’engager, de valoriser et de motiver adéquatement les enseignants. Cette autonomie est d’ailleurs aussi un des éléments de réussite du système éducatif finlandais. Le ministère de l’éducation finlandais est davantage un centre de ressources qu’un centre de commande et de contrôle.



Compte tenu de la diversité sociale à laquelle est confrontée chaque école, la solution doit venir du terrain et répondre aux besoins spécifiques de chaque école.



La première tâche des pouvoirs publics est de définir le cadre et de libérer les moyens nécessaires. Quant aux directions d’école, leur tâche consiste à utiliser ces règles et ces moyens de manière à produire des résultats en faveur des élèves. Beaucoup d’enfants accusent déjà un retard pédagogique avant même de commencer l’école et ne rattrape jamais ce retard. C’est aux pouvoirs publics d’agir à ce niveau de façon stimulante pour corriger le plus tôt possible les inégalités de niveau.



La deuxième tâche des pouvoirs publics est de déterminer des objectifs et d’évaluer les résultats obtenus. La qualité d’une école en particulier et du système scolaire dans son ensemble se mesure dans sa capacité à faire progresser l’ensemble de ses élèves. Cette approche de la valeur ajoutée de l’école tranche avec le discours commun entre les écoles d’en haut et celles d’en bas, qui ne tient compte que des résultats à la sortie.



En outre, nous proposons de mesurer objectivement la progression personnelle de chaque élève, tout au long du parcours scolaire. Cela permettrait d’identifier les bonnes pratiques des enseignants (et de les diffuser) et de remédier rapidement aux lacunes des élèves en difficulté.



Laurent Fourny & Jean Hindriks