Vers l'aperçu

Evaluons nos politiques économiques et sociales!

Depuis le 1er janvier de cette année, plus de 22000 personnes se sont vues exclues de l’allocation de chômage pour les jeunes diplômés appelée allocation d’insertion. Il s’agit de l’exclusion du quart des bénéficiaires. Cela fait beaucoup de monde. Cette décision politique du gouvernement Di Rupo a été prise en vue d’inciter les jeunes à trouver un emploi. Mais comment juger objectivement cette mesure?



L’évaluation des politiques publiques est indispensable pour que l’Etat adopte des mesures efficaces. Non seulement, l’évaluation permet d’avoir une vision claire du résultat d’une politique publique mais elle permet surtout de savoir quelles parties de cette politique peuvent être améliorées. Sans l’évaluation, il n’y a pas d’objectivation. En quoi les résultats effectifs divergent-ils des résultats attendus ? Quels mécanismes ont été sur ou sous-estimés ? Quels effets secondaires n’ont pas été anticipés ? Voilà des questions sont primordiales pour juger a posteriori du bien-fondé d’une mesure.



Cette décision du gouvernement Di Rupo vise en substance à priver le bénéficiaire d’une allocation d’insertion, si celui-ci, souvent un jeune diplômé, n’a pas travaillé suffisamment longtemps au cours des trois dernières années.



Certains affirmeront que cette allocation place le bénéficiaire dans une situation de dépendance. Ce dernier ne s’active alors plus dans la recherche d’un emploi. Mais par son exclusion, il va être forcé de retrouver du travail. Finalement, grâce à l’exclusion, tout le monde y gagne : le bénéficiaire a retrouvé du travail. La société dans son ensemble dépense moins et gagne plus.



D’autres soutiendront exactement le contraire. Malgré une recherche de travail active, le bénéficiaire de l’allocation ne trouve pas de travail. Son exclusion le pénalise doublement. D’abord, sa diminution de revenu le précarise et le limite matériellement dans sa recherche d’emploi. Ensuite, il ne dispose plus de l’aide à la recherche d’emploi qui était liée à son allocation d’insertion. En conséquence, il s’enfonce davantage dans la précarité et s’éloigne encore un peu plus du marché du travail. Il s’en trouve moins bien tout comme la société qui, si l’exclu n’est pas cohabitant,  devra l’assister via le CPAS, d’un montant éventuellement plus faible au début mais sur une durée bien plus longue.



Ces deux scénarios avaient été anticipés. Ils se sont certainement produits parmi les 22000 exclus. Mais ce n’est pas tellement la réalisation possible du scénario qui importe mais bien  à quelle fréquence s’observe chaque scénario. Les uns jugeront peut-être cette politique satisfaisante si l’on observe 60% de retour à l’emploi alors que les autres la jugeront insatisfaisante si ce retour est de 40%. Le débat des avantages et des inconvénients serait également bien plus riche et plus transparent une fois connus les effets de cette politique. Tout le monde y gagnerait  en termes de clarté, de transparence et d’allocation des ressources publiques. Sauf peut-être l’homme politique qui a mis en place cette mesure si celle-ci s’avère négative.



En mars 2013, certains médias titraient « un chômeur sur deux ne cherche pas activement de l’emploi » à l’heure où l’on parlait de l’exclusion probable de 55000 jeunes bénéficiaires d’allocations d’insertion. Rapidement, ces chiffres ont été repris par les participants du débat public. Or, à la lumière d’une étude bien plus sérieuse publiée dans « Regards économiques », une revue de l’UcL, il s’est avéré sur base des chiffres étudiés que « par mois, 1 chômeur indemnisé sur 100 voyait ses efforts de recherche jugés insuffisants par l’ONEM ».



Baser une politique publique sur ce type de confusion serait inacceptable. Il apparaît évident que nos politiques publiques doivent se baser  sur des évaluations sérieuses tout comme elles doivent être rigoureusement analysées pour mener à des décisions efficaces.  L’efficacité n’est pas le souci de la performance mais le simple souci d’atteindre l’objectif que l’on se fixe, en l’occurrence un objectif social d’insertion socio-professionnelle.



Après 6 mois de mise en œuvre de cette mesure d’exclusion, il est encore trop tôt pour l’évaluer mais il est indispensable de le faire dès que le recul sera suffisant. C’est grâce à cela que l’on pourra juger objectivement cette mesure. Il faut en outre appliquer ce principe à tout autre politique publique comme le suggère Itinera dans son dossier de février 2015 sur la bonne gestion publique.



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