Vers l'aperçu

La véritable norme de l'Otan

Face aux nombreux défis que pose notre temps, la norme de dépenses de défense de l'Otan (2% du PIB) est totalement insuffisante. Les prochains budgets doivent en tenir compte.

Nous souffrons tous de la perte de notre "monde d'hier". C'était un monde de paix, de démocratie et de libre-échange, de domination occidentale sous l'œil bienveillant de l'hyperpuissance américaine. Le monde d'aujourd'hui et de demain est un monde de conflits, d'autoritarisme et de nationalisme, de déclin occidental sous l'œil malveillant de régimes belliqueux ou revanchards.

Cette douleur "fantôme" occulte les répercussions que ce nouvel ordre mondial dangereux va avoir sur nous, anciens vainqueurs et architectes de l'ordre mondial précédent.

Il y a une nouvelle géographie de la menace; les nombreuses zones frontalières entre l'Europe et la Russie; l'Amérique et ses alliances en Asie du Sud-Est, face à une Chine qui s'affirme; le nouvel "axe du mal" entre Pékin, Moscou, Téhéran et Pyongyang, qui alimente l'agitation et la violence à l'échelle mondiale; une série de coups d'État en Afrique; les nouvelles zones de conflit dans l'espace, dans les fonds marins, le long des routes maritimes libérées des glaces et dans le cyberespace.

Il y a aussi une nouvelle nature de la menace. L'Ukraine nous a ainsi montré comment une guerre moderne conjugue désormais le militaire classique avec le technologique et l'industriel. Mais il est aussi question ici de notre infrastructure de communication et d'information, sur terre, en mer, dans les airs et dans l'espace; de nos approvisionnements en énergie, de même que de notre capacité de production industrielle qu'exige toute guerre.

Autonomie stratégique européenne

Pour faire face à ce nouveau monde, il ne suffit pas de dépenser de l'argent dans le domaine militaire. Il faut une stratégie globale qui explique pourquoi, par exemple, les États-Unis pratiquent un nationalisme effréné dans les domaines de l'industrie et de la technologie.

L'Amérique ne pourrait tout simplement pas assumer une guerre à Taïwan, par exemple, si elle ne disposait pas d'une technologie et d'une capacité de production importantes sur son territoire. Il en va de même pour l'Europe, qui souhaite atteindre un certain degré d'autonomie stratégique par le biais de l'Union européenne.

Et puis, il y a les nouveaux impératifs stratégiques militaires. Le scénario de l'Ukraine ne doit pas se répéter: l'Otan doit être en mesure de repousser une éventuelle invasion plutôt que d'avoir à la repousser après une occupation.

Le nouvel axe du mal a également déclenché une nouvelle course aux armements nucléaires. Les démocraties occidentales sont à la traîne et ne sont absolument pas en mesure de repousser, le cas échéant, une attaque coordonnée de missiles provenant de plusieurs pays. De nouvelles armes nucléaires sont donc inévitables chez nous aussi.

Outre les nouvelles capacités militaires communes, les pays occidentaux doivent également être en mesure de développer des capacités ciblées pour faire face à des risques nationaux ou régionaux spécifiques. Pensons à nos zones portuaires ou aux pays qui bordent la Russie. Ce n'est pas pour rien que la Pologne coordonne une alliance visant à reproduire le Dôme de fer israélien dans cette zone. Et puis il y a le maintien de l'effort de guerre en Ukraine par l'Ukraine.

Un nouveau complexe militaro-industriel

Si l'on additionne tous ces éléments, on se rend vite compte que la fameuse norme de dépenses de défense de l'Otan, qui est de 2% de notre production de richesse économique annuelle, est totalement insuffisante. Purement militaire, cette norme de paix remonte à la présidence de Barack Obama (2008-2016).

Il ne s'agit pas d'un plafond, mais d'un plancher qui ne peut supporter la nouvelle réalité stratégique de conflit de l'Otan. De plus, cette norme ne couvre en aucun cas la nécessité de reconstruire notre propre industrie et notre propre technologie en matière de défense.

Les pays à l'avant-garde de la défense sont ceux qui développeront de nouvelles industries et technologies. La véritable norme de l'Otan pour notre Belgique négligente n'est pas les fameux 2% de dépenses à consacrer à la défense, mais les contributions stratégiques qui seront vouées à un nouveau complexe militaro-industriel en Europe. Il faut que cette idée imprègne tous ceux qui, de nos jours, se penchent sur les gouvernements et les budgets.