Vers l'aperçu

Moins de trains n'est pas la solution

Entre 2009 et 2010, la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) chargée de gérer l'infrastructure et d’exploiter le réseau ferré belge parvient à réduire de plus de 50% son déficit tout en augmentant le nombre de voyageurs transportés pendant cette période (+2,4%) et son chiffre d’affaires (+3,6%). Et ce malgré les nombreuses critiques qui lui sont adressées. Comment donc justifier la suppression de près de 200 trains annoncée pour décembre 2012 ?



 



Depuis des décennies, le groupe SNCB doit faire face à un endettement non négligeable qui est avant tout d’ordre structurel et non accidentel mais aussi et surtout le fruit de mauvais choix en matière de politique de gestion. Aujourd’hui, la part de sa dette par rapport au PIB (moins de 1%) équivaut à la moitié de celle de 1995, mais de nombreuses zones sombres persistent pourtant encore. En effet, plusieurs facteurs nuisent à l’image et à l’attractivité de ce moyen de transport public. Sans pour autant être exhaustif, on peut citer la dégradation de la ponctualité et de la fiabilité des trains, l’annulation de trains, la multiplication des avaries touchant tantôt le réseau, tantôt les motrices, la vétusté des gares et des trains, la surcharge et l’inconfort dans les trains, le manque de sécurité,… Malgré ces points noirs, il est étonnant de constater qu’au fil du temps le nombre de voyageurs croît toujours (+50% au cours des dix dernières années). Il est encore plus surprenant d’apprendre que la direction a décidé de réduire l’offre de services en supprimant des trains alors que la demande ne cesse d’augmenter. De deux choses l’une, soit on ne parvient pas à satisfaire la demande et la solution est de réorienter les trains vers les lignes les plus fréquentées ou les plus rentables, soit la mesure s’inscrit dans le cadre d’un vrai plan d’économie à grande échelle destiné à compresser les coûts.



Expliquons-nous. Pour un réseau ferroviaire inchangé, augmenter systématiquement l’offre de trains ou de lignes pour s’ajuster à une demande croissante risque d’aggraver les problèmes de gestion que connait actuellement la SNCB. A titre d’exemple, les défauts de ponctualité des trains n’en seront qu’accrus. Ne pas réagir du tout n’est pas une meilleure solution puisqu’il a pour effet de surcharger les trains et d’accroître l’inconfort dans les trains. Bref rien de positif pour les usagers, ni pour la SNCB. Il n’y a pas photo : les trains roulent mieux et enregistrent moins de retard lorsqu’ils sont moins nombreux sur les rails. C’est le cas durant l’été et les fêtes de fin d’année où le taux d’occupation est extrêmement faible.



Pourquoi donc ne pas étendre le circuit ferroviaire plutôt que de supprimer des lignes et des trains? La réponse est simple. Pour être réalisable, d’importants investissements sont nécessaires. Et c’est là que le bât blesse. Avec un endettement actuel de plus de 3 milliards, il est improbable que cette alternative soit retenue, du moins pas à court terme. En outre, l’extension du circuit ne peut être rapidement opérationnelle.



L’autre alternative, et c’est celle-là qui a été retenue par la direction de la SNCB, consiste à agir sur l’offre de services en supprimant les lignes jugées comme trop peu fréquentées ou moins rentables. Comme si amputer le patient l’aidera à remarcher! Cette mesure radicale, qui correspond à environ 2% de l'offre mesurée en trains/km, devrait concerner quelques 2.800 voyageurs tout au plus nous dit-on. Il est intéressant de constater que ce taux correspond au pourcentage moyen de trains annulés au cours de ces dernières années (tout en maintenant leur ligne). L’enjeu est double : agir sur les coûts et rendre le circuit ferroviaire plus fluide au détriment de certains voyageurs. Cette solution est la plus simple mais ne présente aucune vision à long terme. D’autant plus que les estimations du Bureau fédéral du Plan prévoient une augmentation de 30% du nombre de déplacements entre 2005 et 2030. Pour justifier ces suppressions, les responsables de la SNCB avancent que les trains concernés ne compensent pas ce qu’ils coûtent en énergie. Pourquoi ne pas simplement utiliser du matériel économique, léger et moins énergivore plutôt que de supprimer les lignes peu fréquentées?



Il est inconcevable de démanteler notre trafic ferroviaire alors que les besoins démographiques, économiques et environnementaux nous recommandent au contraire de l’améliorer. Par ailleurs, les programmes de sensibilisation et les nombreuses mesures destinées à encourager l’usage des transports publics sont en contradiction avec la politique de suppression de lignes/trains. Bien au contraire, en entreprenant des actions d’assainissement financier, la SNCB se doit de penser à long terme en incitant tous les citoyens, y compris ceux issus des régions rurales, à opter pour le transport public sur rail. Et ce moyennant une offre ferroviaire attrayante. Pour être crédible, la société est tenue de renforcer la sécurité, la fiabilité, le confort et la ponctualité des trains bien que nous en sommes encore loin à l’heure actuelle. Pourtant il existe de la marge pour accroître l’usage de ce moyen de transport vu la faible fréquence d’utilisation du train dans notre pays comparée à d’autres pays. En moyenne, le Belge ne prend que 21 fois le train par an, alors que ce chiffre s’élève à 49 pour la Suisse, 35 pour le Danemark et le Luxembourg et 23 pour l’Allemagne.



Faire croire que l’on va pouvoir stabiliser l’endettement ou le réduire afin d’assurer l’avenir du rail belge en supprimant des trains est une solution peu crédible. En tout cas, cette seule mesure ne permettra certainement pas de résorber les difficultés auxquelles la société fait face depuis plusieurs années. En outre, faute de véritables alternatives à ce moyen de transport, les voyageurs concernés par la mesure seront sans doute contraints de renoncer à un emploi, à une formation ou à d’autres opportunités. Dans tous les cas, la SNCB devrait être dans l’obligeance de pouvoir trouver une alternative pertinente aux personnes lésées sans constituer de frein pour la croissance économique.



 



Güngör Karakaya


02_gungor_fr.pdf
(115.58 Ko) Téléchargement