Vers l'aperçu

Nos garçons, tellement vulnérables

L’abandon scolaire précoce est mesuré par la proportion des jeunes entre 18 et 24 ans qui ont quitté l’école en n’ayant achevé qu’au maximum l’enseignement secondaire inférieur et qui ne poursuivent ni études, ni formation. En Belgique, la situation de l’abandon scolaire s’est améliorée depuis les années 2000. Le taux de décrochage y est passé de 13.8% à 9.8%. C’est néanmoins toujours supérieur à nos voisins. On constate que ce sont les villes qui sont principalement touchées. A Bruxelles le taux est de 14,4%. Le phénomène est en outre plus présent en Wallonie (12.9%) qu’en Flandre (7%).



Les causes du décrochage sont multiples. En Fédération Wallonie-Bruxelles c’est le taux de redoublement, trois fois plus élevés que la moyenne de l’OCDE, qui est pointé du doigt. En Flandre, si 10% des élèves qui accusent un an de retard décrochent, ils sont 30% à décrocher pour un retard de 2 ans et 50% pour un retard supérieur à 2 ans. De manière générale, le décrochage scolaire touche davantage les milieux socio-économiques défavorisés, il se concentre sur certaines zones géographiques, il dépend des pratiques de relégation et de ségrégation, il découle du manque de ponts entre l’enseignement et la vie économique…



Mais le décrochage scolaire a une autre particularité, il touche principalement les garçons. On en compte 11.8% dans cette situation, contre 7.7% de filles. Il faut en tenir compte, sans quoi on risque de se tromper de remèdes. La littérature scientifique, et en particulier les travaux de Marianne Bertrand, atteste que les aptitudes non-cognitives, en particulier le comportement et les facteurs socio-émotionnels, sont un facteur explicatif de la réussite scolaire. Or, ces aptitudes sont déterminées par le genre. Ainsi, les garçons ont davantage de déficit de l’attention et de troubles comportementaux que les filles. Ils ont un contrôle inhibitoire et une perception des sensibilités plus faibles. Ces caractéristiques peuvent rendre l’extériorisation de leur comportement moins contrôlable. Cela débouche sur des problèmes disciplinaires à l’école.



Mais d’où provient cette différence d’aptitudes non-cognitives ? Certains chercheurs ont mis en avant des causes biologiques selon lesquelles les principales différences entre le cerveau des hommes et des femmes se situent dans les zones d’humeur, d’émotion et de régulation des émotions. En outre, Le développement du cortex frontal, qui contrôle notamment l’inhibition, est plus rapide chez la fille. L’exposition prénatale à la testostérone réduit aussi l’empathie, augmente la désinhibition et réduit la qualité des relations sociales chez le garçon.



Mais le décrochage scolaire des garçons n’est pas pour autant une fatalité. Les aptitudes non-cognitives ne sont pas fixées biologiquement. Elles sont malléables. Elles peuvent être remodelées par des programmes d’intervention précoce. Il faut d’ailleurs agir au plus vite car la différence dans le contrôle de soi se creuse rapidement.



A cet égard, il est primordial d’étudier ce que nos voisins ont mis en place. Le programme préscolaire Perry a montré qu’une intervention envers les jeunes afro-américains a des effets positifs à long terme sur le développement non-cognitif et la réussite scolaire. De manière similaire, le programme STAR, dans le Tennessee, visant à l’amélioration de la qualité des classes au jardin d’enfant a un effet de long-terme sur les aptitudes non-cognitives telles que l’effort consenti, la prise d’initiative, la motivation et un comportement moins perturbateur. Ces études montrent que l’on peut améliorer le futur de ces élèves en leur donnant les armes qui les éloignent du décrochage scolaire. Chez nous, les services d’accrochage et certaines associations contactent ces jeunes sortis du système et peuvent parvenir à les remettre sur le chemin de l’école. Mais cet accompagnement prend souvent davantage de temps car ré-accrocher un élève demande certainement plus d’effort que d’empêcher son décrochage.



Enfin, il ressort également que les garçons sont plus sensibles à leur structure familiale. Ainsi, les garçons qui sont élevés en dehors de la famille traditionnelle connaissent un déficit comportemental plus important.  Nos garçons sont vulnérables. Nous devons veiller à promouvoir leur participation au système éducatif. Leur futur commence dès la petite enfance, à la crèche. Avant l’école. Le déficit d’aptitudes n’est pas purement biologique, il dépend aussi de l’environnement. A nous de le rendre favorable dès leur plus jeune âge pour que  « Chaque enfant qu’on enseigne soit un homme qu’on gagne » (Victor Hugo).