Vers l'aperçu

Prenez au sérieux le signal d'alarme des entrepreneurs

Lorsque plus de 400 entrepreneurs de grandes entreprises familiales mettent en garde, via une lettre ouverte, contre les effets pervers qu'une taxe supplémentaire sur la fortune aurait sur la création de prospérité dans notre pays, cela constitue un fait remarquable. Les entrepreneurs en Belgique ont tendance à être discrets et à se tenir loin de la politique, à quelques exceptions près. Lorsqu'un appel aussi fort et massif survient au cours d’une campagne électorale saturée de surenchères fiscales, c'est une véritable déclaration politique.

Les réactions sont parlantes. Ce qui prédomine, c'est un silence assourdissant. Les partis politiques ne réagissent pas. La campagne électorale se poursuit dans un déni total. De rares articles d’opinion qualifient l'appel des entrepreneurs d’égoïste ou de chantage, ou considèrent que l’impôt sur la fortune est une nécessité évidente qui ne comporte que des risques minimes.

Il y a aussi une autre façon de lire et d'écouter. Nous lisons un appel unique et public lancé par un groupe important et bilingue d'entrepreneurs et de familles d'entrepreneurs de premier plan, principalement sous la forme d'un appel au secours collectif. Nous pensons qu'il est important d'écouter l'émotion et la psychologie autour de l'imposition sur la fortune.

Les entrepreneurs sont les rares à prendre des risques dans notre société qui en est averse. Ils investissent, construisent et innovent constamment, et se heurtent continuellement aux failles systémiques de notre pays. La justice fonctionne-t-elle efficacement ? Le gouvernement est-il un partenaire fiable ? L'administration fiscale agit-elle de manière professionnelle et respectueuse ? Les permis sont-ils transparents, juridiquement sûrs et délivrés en temps utile ? Y a-t-il une bonne gouvernance en matière d'infrastructure, de mobilité, de marché de l'énergie et de prix de l'électricité ? Notre talent humain est-il bien formé et employable ? Les charges salariales et les coûts du travail sont-ils en adéquation avec la productivité ?

Nous savons que les réponses à ces questions sont le plus souvent plutôt négative. Nous savons que d'autres pays comparables obtiennent souvent de meilleurs résultats dans ces domaines. Mais pour vous et moi, pour le citoyen moyen, le politicien, l’académique ou l'opinioniste, ce sont des abstractions que nous ressentons tout au plus lorsque nous sommes dans les embouteillages, lorsque le train est en retard, lorsque notre rue nécessite des réparations. Pour les entrepreneurs, c'est une frustration professionnelle quotidienne et croissante qui se traduit par des coûts, des retards et des échecs.

Pour ceux qui entreprennent, la surenchère d'idées fiscales est l’énième preuve d'un pays qui préfère chasser ou punir l'entrepreneuriat plutôt que de le célébrer

En Belgique, en échange de l'une des pressions fiscales les plus élevées, des gouvernements les plus coûteux et des États-providence les plus généreux du monde, obtenons-nous une cohésion sociale, un cadre politique et une culture de respect pour ceux qui prennent des risques et investissent ? Encore une fois, pour beaucoup d'entre nous, c'est une abstraction, mais pour ceux qui entreprennent, la surenchère d'idées fiscales est l’énième preuve d'un pays qui préfère chasser ou punir l'entrepreneuriat plutôt que de le célébrer.

La Belgique entreprenante se sent une minorité traquée et nous devons prendre ce signal au sérieux. Nous sommes à un tournant crucial. Alors que le budget chavire, le vieillissement démographique pèse et que la diversité sociale atteint des sommets, nous devons rendre notre industrie plus écologique, ancrer l'activité stratégique des entreprises dans un monde hostile, développer de nouvelles technologies en Europe, renforcer la défense, le tout au moyen d’investissements considérables et face à une vague internationale de protectionnisme. Tout cela nécessite une grande coopération entre le gouvernement et les entreprises, entre les secteurs public et privé. Nous avons besoin d'une vision commune dans laquelle nous mobilisons les forces et les familles entrepreneuriales pour un avenir ambitieux partagé.

Contribution équitable

Nous devons considérer les impôts dans leur totalité, sans dogme mais aussi sans fétichisme. Si un objectif de simplicité, d'égalité, de justice, de compétitivité et de prospérité peut être atteint, l'imposition sur la fortune n'est pas un enduit à la charge des riches, mais une partie intégrante d'un système fiscal qui combine équitablement la création de richesse et la redistribution. Voilà une proposition de valeur constructive dans laquelle nous combinons l'encouragement de l'esprit d'entreprise avec une « contribution équitable » par ceux qui réussissent. Si nous pouvons associer cela aux véritables réformes qui rendront notre pays et notre économie plus dynamiques et durables sur de nombreux fronts, si nous pouvons cultiver une culture d'ambition et de succès, nous renforcerons alors la base de la prospérité sur laquelle reposent toutes les mesures de protection, de durabilité, d'inclusion et de sécurité. C'est alors que nous donnerons la seule vraie et bonne réponse à l'appel collectif de la Belgique entrepreneuriale.