En Europe, il faut aussi bouger, bouger !
Les ivoiriens de Magic System ne pensaient très probablement pas à la crise de l’Euro lorsqu’ils ont écrit leur sympathique titre « bouger, bouger » en 2005. Pourtant, les recherches de l’économiste canadien Robert Mundell, Nobel d’économie en 1999, nous ont appris que certaines expériences instructives peuvent être tirées d’une telle incantation.
Tout comme la Belgique dans la zone euro, la Côte d’Ivoire fait partie d’une zone monétaire commune, le Franc CFA. Seulement, à la différence de l’Europe, la mobilité intra régionale est infiniment plus significative en Afrique de l’Ouest. En 2000, les migrations entre les différents pays de la zone CFA représentaient dix fois les départs vers l’Europe ; et la majorité de ces migrants sont des travailleurs attirés par une situation économique meilleure dans un pays voisin. Une situation bien éloignée du caractère statique de notre vieille Europe.
Or, une zone économique optimale doit répondre aux trois critères suivants : intégration budgétaire, flexibilité des prix et des salaires et mobilité des facteurs. De manière simplifiée, le fait de créer une monnaie commune enlève une flexibilité en cas de choc asymétrique entre deux pays : il n’y a plus de dévaluation possible. En effet, si la demande pour la production d’un pays A – l’Allemagne par exemple – augmente et diminue simultanément pour un pays B – l’Espagne – cela induira un accroissement du chômage dans le pays B et une pression inflationniste dans le pays A. Pour contrer cela, une dévaluation de la monnaie permet de rétablir la demande pour la production du pays B tout en atténuant l’inflation dans le pays A, puisqu’il importera moins cher dans sa monnaie.
Dans une zone monétaire commune, cette flexibilité n’existe plus, il en faut donc d’autres.
S’il existe un budget fédéral, le problème est en partie solutionné de par le fait qu’en cas de choc asymétrique, le pays en surplus transférera des moyens au pays déficitaire via le budget commun. C’est l’argument utilisé par les fédéralistes (et les pays déficitaires évidemment) pour créer des euro-obligations et, au-delà, un budget fédéral européen.
La volonté des pays en surplus est, elle, de remplacer l’inflexibilité du taux de change (il n’y en a plus) par une flexibilité des prix et des salaires. En cas de choc asymétrique, les pays déficitaires devraient opter pour des politiques déflationnistes et une baisse des salaires nominaux. En fin de compte, cela revient à dévaluer sa monnaie de manière réelle par rapport aux pays en surplus ; le taux de change nominal restant bien entendu fixe, un euro valant toujours un euro.
Mais une troisième flexibilité, complètement ignorée dans la crise actuelle, consiste en la mobilité des facteurs, et plus particulièrement, des travailleurs. L’idée est que si une crise économique négative frappe un pays de la zone euro, au lieu de rester au chômage dans son pays, le travailleur peut bouger dans le pays en surplus et y trouver un emploi. Cela réduirait le chômage dans le pays déficitaire et, de par l’accroissement de l’offre de travail, réduira les pressions inflationnistes dans le pays en surplus. Parallèlement, le mélange des populations renforcera, tant économiquement que politiquement, l’argument en faveur d’un budget commun.
A ce titre, il est intéressant que les fédéralistes européens prennent souvent les Etats-Unis pour exemple en plaidant pour la création d’Etats-Unis d’Europe. Seulement, l’histoire des Etats-Unis est d’abord le fait de grandes migrations à travers le pays, forgeant progressivement la nation. A l’inverse, tout au long du 19ème siècle, le budget fédéral ne dépasse pas 2% du PIB américain, un chiffre comparable à celui du budget européen actuel. Encore aujourd’hui, la mobilité des personnes aux Etats-Unis est bien plus importante qu’en Europe.
Source: Commission Européenne, 2008
Bien sûr les barrières culturelles et linguistiques jouent un rôle, mais même à l’intérieur des Etats Membres de l’Union, la mobilité des travailleurs est négligeable par rapport aux Etats-Unis. Pour toute une série de raisons, qui vont de la législation du travail aux crédits hypothécaires en passant par la reconnaissance des diplômes, l’européen reste profondément casanier. Dès lors, avant de s’évertuer à fédéraliser l’argent des européens, les politiciens fédéralistes devraient déjà les faire se rencontrer. Les bases démocratiques pour une fédéralisation progressive de l’Europe n&r