Vers l'aperçu

Calquer ses dépenses sur ses recettes, ce n’est pas de l’austérité, c’est du bon sens



Parti de la gauche, un discours a gagné beaucoup de terrain ces dernières semaines : celui qui invite à assouplir la trajectoire budgétaire convenue avec la Commission Européenne. Cette trajectoire devrait, si on l’honorait, nous ramener à l’équilibre en 2015. Le prochain contrôle budgétaire aura lieu en mars de cette année et le Premier ministre a récemment repris les idées des adversaires de l’austérité dans les colonnes du Wall Street Journal. Le cdH lui a emboîté le pas. Ecolo s’est également prononcé en faveur de ces mêmes  idées.

 

Ce ne sont pas les politiques d’austérité qui, comme on l’entend trop souvent, cassent l’activité économique et engendrent chômage, baisse des salaires et misère dans les divers pays européens. C’est, en réalité, le surendettement croissant des Etats durant plusieurs décennies d’insouciance budgétaire qui place désormais les gouvernants dans l’obligation de réduire les dépenses publiques afin d’espérer atteindre l’équilibre budgétaire à brève échéance. Cela a-t-il vraiment un sens de prédire à un ménage les pire catastrophes s’il s’entête à freiner ses dépenses alors qu’il est déjà surendetté et qu’il continue d’emprunter ? Ceux qui affirment que le budget d’un ménage n’est pas comparable à celui d’un Etat sont les mêmes qui, il n’y a pas si longtemps, affirmaient de manière condescendante qu’il est impossible qu’un Etat fasse faillite…

 

Par ailleurs, de quoi parle-t-on quand on dénonce les politiques d’austérité en Europe ? Quand on regarde de plus près les chiffres officiels de la Commission Européenne, on se rend compte de deux choses : d’une part, les dépenses publiques n’ont pas diminué. Elles se sont stabilisées (cas de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie ou de l’Angleterre) et, dans certains pays (comme en France), ces dépenses continuent même d’augmenter ! D’autre part, à l’échelon européen, pour un 1 € de diminution des dépenses publiques, on a augmenté les impôts de 9 € ! Sous le gouvernement actuel, la Belgique s’est, heureusement, montrée plus courageuse en matière de réduction des dépenses. Ce n’est pas l’austérité qui cause actuellement des ravages en Europe mais la pression fiscale démentielle qui lamine nos économies et étrangle la classe moyenne.

 

Pourquoi cette pression fiscale ? Par peur déplaire à l’électeur en réduisant les dépenses mais aussi pour financer les coûteuses politiques keynésiennes passées et présentes que les signataires de cet article défendent et veulent renforcer, politiques qui ont conduit à l’actuel surendettement européen dans l’espoir chimérique d’une relance par la consommation.

 

Personne n’aime l’austérité. Mais aligner ses dépenses sur ses recettes, ce n’est pas de l’austérité, c’est du bon sens. C’est de l’optimalisation dont le but premier est la préservation et la protection de l’Etat-Providence afin que ce dernier puisse continuer à assurer ses missions essentielles (sécurité, éducation de qualité, soins de santé performants, etc.). Seul l’Etat-Providence permet de protéger les plus faibles. Défendre les plus faibles, c’est avant tout défendre la viabilité économique de l’Etat-Providence. C’est grâce à la politique de rigueur que nous pouvons continuer à emprunter à des taux favorables. Contrairement à ce qu’on dit parfois, il y a encore de la marge : c’est un mensonge de prétendre que toute réduction de dépenses affecterait la population. 18 milliards ont été épargnés en un an sans que cela ne se soit traduit par un détricotage de système de sécurité sociale. Si, dans une optique de gestion saine et responsable, on rationalise et regroupe un grand nombre de structures existantes dans quantité de domaines (instruments économiques et financiers, formations, subventions, organismes de recherche d’emploi, sociétés de logement, fournisseurs de services, intercommunales, etc.), en quoi cela conduirait-il à la « misère » ? Ce discours alarmiste n’est pas crédible. Par contre, continuer à s’endetter allègrement, nous conduirait certainement au gouffre.

 

« Assouplir la trajectoire budgétaire ». Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites. C’est comme les accommodements « raisonnables ». Quel esprit pondéré et humaniste ne souscrirait pas à pareille invitation ? Il existe toute une rhétorique religieuse (l’« orthodoxie budgétaire », le « respect inconditionnel des sacro saints principes néolibéraux », le « dogmatisme de la rigueur ») visant à ridiculiser ceux qui appellent simplement non pas à diminuer l’endettement, non pas à diminuer l’accroissement de l’endettement mais tout simplement à freiner la vitesse de l’accroissement de l’endettement. Les Français sont généralement les plus imaginatifs pour fustiger ces principes « intangibles » d’équilibre budgétaire. Tellement « intangibles » que la France n’a pas voté un budget en équilibre depuis …1975.

 

La vice-première ministre a déclaré récemment qu’il n’y aurait pas « péril en la demeure si on a un déficit de 1,8 ou 1,9% au lieu de 1,1% en 2014 ». D’ailleurs, poursuit-elle, les autres pays européens sont au-delà de 3% de déficit et nous pas. Question : pourquoi un élève en échec devrait-il cesser de faire des efforts sous prétexte que plusieurs autres élèves de sa classe font des résultats encore pire que lui ? Pourquoi renier nos engagements ? Croît-on aussi que l’actuelle exigence de maintenir le déficit en dessous de 3% est une garantie absolue d’éviter le manquement des Etats ? Croit-on même qu’une règle - qu’elle soit en or ou en platine - qui effraye tant les signataires de cet article, est une garantie contre les débordements futurs ? Les Etats-Unis ont un « plafond » de la dette fédérale. Cela ne les a pas empêché de voter… 39 dérogations à ce plafond depuis 1980. Ne voit-on pas que ce qui importe avant tout, c’est un changement radical de nos habitudes dispendieuses et que le redressement budgétaire constitue un pas, timide mais réel, dans cette direction ?car il n'y aurait pas "péril en la demeure si on a un déficit de 1,8 ou 1,9% au lieu de 1,1% en 2014"car il n'y aurait pas "péril en la demeure si on a un déficit de 1,8 ou 1,9% au lieu de 1,1% en 2014" D’ailleurs, si, comme il faut le souhaiter, la croissance revient, le taux d'intérêt augmentera et le coût des emprunts annuels pour notre dette colossale s’envolera lui aussi : la plus petite hausse de ce coefficient aura un effet démultiplicateur monstrueux. C'est donc tout à la fois une nécessité économique et un impératif moral que d'arriver à l'équilibre budgétaire aussi rapidement que possible.

 

Autre contrevérité : en équilibrant leurs budgets, les Etats européens se condamneraient, dit, on, à l’austérité pour demain. Quelques économistes (Krugman, Stiglitz, etc.), vénérés par la gauche et relayés abondamment et bruyamment dans les medias, affirment que l’austérité n’est pas ce qui convient actuellement. Si, par austérité, ils entendent le renforcement hallucinant de la pression fiscale punissant la classe moyenne, je suis d’accord avec eux. Par contre, ceux qui affirment que la réduction des dépenses conduit à une impasse ont tort. Une récente étude de l’Université Harvard[1]démontre scientifiquement que, après une baisse substantielle des dépenses publiques, trois ans suffisent pour relancer la croissance et créer des richesses. Cette conclusion ne repose pas sur les opinions éditoriales de quelques gourous que la gauche aime à célébrer mais sur une très vaste collection de données empiriques dans 15 pays (dont la Belgique) ces vingt dernières années.

 

Quoi qu’il en soit, ceux qui préconisent le relâchement de l’effort budgétaire sont assez malvenus de parler de la situation économique future en Europe : ils appellent clairement à tirer des chèques en blanc sur les générations futures qui, si on les écoutait, subiraient, de plein fouet, des coupes budgétaires autrement plus douloureuses que les sacrifices actuels. D’ailleurs, n’est-ce pas en raisonnant de cette manière que leurs prédécesseurs idéologiques nous ont plongé dans la situation que nous connaissons aujourd’hui ?