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Mettez fin aux excès du capitalisme financier transactionnel en revenant au capitalisme financier dit relationnel

Le déclin d’un certain type de capitalisme est ce qui peut nous arriver de mieux. Plus précisément le déclin de ce que les économistes qualifient de capitalisme financier transactionnel, par opposition au capitalisme financier relationnel. A l’origine, les banques octroyaient des crédits qu’elles gardaient dans leur propre bilan, tandis qu’elles les finançaient en attirant des dépôts. Le modèle promu par les banques d’investissement américaines ne fonctionnait cependant plus sur la base de ce modèle ‘originate and hold’, mais plutôt sur la base du modèle ‘originate and distribute’. Cela signifie qu’on est allé extrêmement loin dans la titrisation ou le reconditionnement de crédits pour les revendre dans le système financier. Afin de contourner les restrictions régulatrices, qui étaient apparues suite aux crises précédentes, de nombreux crédits ne figuraient donc plus au bilan de la banque même. Les partisans argumentaient que cette négociation du risque devait permettre un meilleur étalement dudit risque. A présent, nous devons pourtant constater que le risque a surtout atterri chez ceux qui ne comprenaient pas le risque en question et non chez ceux qui étaient le mieux en mesure de l'assumer. De plus, ce système pousse à un comportement opportuniste, étant donné que les banques se montrent moins exigeantes dans l'évaluation des crédits, puisqu’elles peuvent refiler les risques aux autres banques telle une patate chaude. Ce système a mérité le surnom de ‘capitalisme de casino’, parce qu’il décourage la réflexion à long terme et l’engagement mutuel. Ce contrairement au capitalisme financier relationnel classique, où les banques étaient bel et bien enclines à surveiller la solvabilité des clients, parce qu'un client qui ne rembourse par exemple pas son hypothèque met la banque en difficulté. En d’autres termes, les banques devront de nouveau prendre un visage humain, qui avait en grande partie disparu dans le modèle américain du système bancaire moderne. Cela aura aussi des implications sur les salaires dans le monde des banques. Les dernières années, les bonus des banquiers américains de haut vol des banques d’investissement s’élevaient facilement à quelques dizaines de millions de dollars sur une base annuelle.



Gigantesque bulle



Les bénéfices qui justifiaient pour ainsi dire ces montants étaient toutefois basés sur une bulle, unique et gigantesque. Maintenant que cette bulle est crevée, on ne leur demande pourtant pas de rembourser le bonus. Il est clair que ce comportement opportuniste est encore plus stimulant. Une autre leçon que nous devons tirer est que la foi absolue dans des modèles sophistiqués en apparence implique d’énormes risques. En fait, nous devons admettre que nous en savons toujours moins sur les crises financières que sur les catastrophes naturelles comme les tremblements de terre et les ouragans. Tous ces beaux modèles mathématiques ont donné aux banquiers de haut niveau, mais aussi aux régulateurs, l’illusion que nous pouvions réellement maîtriser les risques. Rien n’est moins vrai. Le top management ne s'est pas assez rendu compte qu'en ce moment, la théorie financière moderne a la même validité empirique et scientifique que l'astrologie. Dans ce sens, nous sommes tous les victimes d’un scientisme où l’on partait à tort du principe que la réalité complexe pouvait être contenue dans quelques centaines de lignes de langage de programmation.



 



"Nous devons constater que le risque a surtout atterri chez ceux qui ne comprenaient pas le risque en question et non chez ceux qui étaient le mieux en mesure de l’assumer"



 



Ainsi, on attribue une faible probabilité à des conditions extrêmement négatives. Pourtant, le problème des crises financières est justement que lorsque les choses se passent mal, elles se passent vraiment mal. Et on ne peut souvent plus dire qu’un pépin quelque part est compensé par une aubaine ailleurs. Cela éclaire aussi la raison pour laquelle les ‘honnêtes’ banques belges deviennent la proie de la crise des crédits. La détermination du ‘capital économique’ nécessaire d’une banque, qui forme une réserve afin de résister à une réduction des capitaux propres suite à des turbulences du marché, a fait l’objet d’une évaluation beaucoup trop limitée. Ce parce que la probabilité et l’ampleur d’une crise financière n’ont pas été suffisamment reprises dans ces modèles. Pourquoi n’a-t-on pas été plus prudents ? Plus on intègre de marges et de réserves, plus le rendement des capitaux propres est bas, et on n’osait pas rebuter les actionnaires exigeants. Ceux qui voient dans tout cela le déclin de l’économie de libre marché, sont à côté de la plaque. Adam Smith, le père intellectuel de l’économie de marché moderne, comparait en 1776 déjà la nécessité de réguler strictement les banques à l'installation de portes coupe-feu qui empêchent l'incendie de se propager dans tout un bâtiment.



Surplace



Même en 2015, nous n'avons pas tellement avancé sur ce plan. Alors qu’un tel mécanisme de résolution devrait être une partie du triptyque de l'union bancaire européenne, ce point n’obtient pas vraiment de soutien à l'heure actuelle. Au lieu d’un tel système, on présente une solution visant à reprendre les fonds nationaux dans un réseau. Il est essentiel qu’un tel système soit financé par des contributions du secteur même pour remédier au problème de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des pertes. On prévoit non seulement encore dix ans de construction à cet effet, mais on n’ambitionne en outre qu'un financement insuffisant.